samedi 4 février 2012

Rayon vert de Strasbourg, ma réponse à Simone Schultz docteur en histoire de l'art


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(Pour l'historique complet du rayon vert de Strasbourg, aller sur : http://rosartnove.blogspot.fr/ )

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Ma réponse :


Ce docteur avait sévi une première fois dans l'"Almanach Sainte Odile" de l'année 2000.

Le site de la Cathédrale Notre Dame de Strasbourg, qui apparemment n'a rien trouvé de mieux pour alimenter son moulin, vient de mettre en ligne la prose publiée en son temps dans cet almanach.

Ma réponse vise donc à mettre en évidence l'indigence de l'argumentation mise en avant dans l'article pour aboutir à la conclusion souhaitée d'emblée que l'existence du rayon vert de la cathédrale soit le fruit du hasard.

J'aurais pu m'abstenir de répondre, mais réflexion faite, je crois être de mon devoir de relever ce qui pêche dans cet article. En effet ce texte peut être consulté, entre autres, par de nombreux paroissiens peu avertis des subtilités que recèle ce phénomène particulièrement spectaculaire et d'une rare beauté. Ce manque d'information peut les conduire à gober de bonne foi l'argumentaire développé et à admettre les conclusions comme paroles d'évangile, puisque même le site de la cathédrale le reproduit. D'autant plus que le site ne mentionne aucune mise en garde qui pourrait laisser entendre que d'autres avis puissent légitimement exister.

Je signalerai donc dans un premier temps que d'autres publications sont disponibles sur le sujet.

Puis je passerai en revue de détail le texte publié en relevant les inexactitudes, les erreurs, les approximations ou les contre-vérités qu'il contient, tout ce parti-pris qui aveugle l'auteur et sert son besoin de démontrer l'indémontrable. Dans cette affaire, si on ne peut pas démontrer que les opératifs de 1876 avaient l'intention de créer le phénomène, on ne peut pas plus démontrer qu'ils ne l'avaient pas. Par contre un faisceau d'indices convergents peut produire la quasi-certitude d'un acte délibéré.



Texte de Simone Schultz publié sur le site de la cathédrale.
(Les expressions sujettes à caution ont été mises en gras et soulignées pour être plus aisément repérées.)

LE RAYON VERT
texte de Simone Schultz
paru dans l’Almanach Sainte Odile, 2000
avec l'aimable autorisation d'ALSACE MEDIA


Théologiens et historiens de l'art sont unanimes pour voir un effet du hasard dans le rayon vert qui illumine le Christ crucifié de la chaire de la Cathédrale, au moment de l'équinoxe.

Il s'avère que suivant la position du soleil, d’autres vitraux produisent également des rayons colorés à intervalles réguliers. Ils sont bien sûr moins spectaculaires, ne se glissant pas sur des sculptures, et de ce faite (sic) n’attirent pas l'attention.

Un phénomène récent

Contrairement à une opinion répandue, le rayon vert est d’apparition récente. Il a été découvert aux environs de 1972. Cette manifestation tardive s’explique aisément. Le rayon vert est produit par le pied de Juda, un des ancêtres du Christ, situé au triforium sud. Il faut préciser qu’au Moyen Age, seul le triforium nord était occupé par les figures des ancêtres de Jésus, mentionnés dans la généalogie du Christ selon les Evangiles de saint Matthieu 11-17 et de saint Luc 3,23-28.
Le côté sud comportant un décor végétal. Cela nous explique que Juda est une création récente. Il fait partie d’une série composée entre 1872 et 1878 lors des grands travaux de restauration de la Cathédrale, et qui devait compléter celle du côté nord.
A cette époque, le pied gauche de Juda, à l’origine du rayon vert, n’avait pas la transparence d’aujourd’hui, et de ce fait n’illuminait pas la chaire. Des photographies faites entre 1946 et 1950, lors de la repose des vitraux après la seconde guerre mondiale, laissent apparaitre des traces de peinture modelant le cou de pied. Aujourd’hui il n’en reste plus rien. Cette disparition s’explique soit par un délitement de la peinture, soit, ce qui semble plus vraisemblable, par une restauration « in situ », où le pied a été remplacé par un verre brut et de ce fait très transparent, d’où le miracle du rayon vert !!!

Conclusions de l’analyse astronomique

L’analyse astronomique montre que le rayon vert passe sur la tête du Christ une bonne heure avant midi heure locale, et un ou deux jours après l’équinoxe de printemps, ainsi quun ou deux jours après l’équinoxe d’automne. La précision n’est donc pas absolue.
Une bien hypothétique signification religieuse?
Si ce rayon devait avoir une signification religieuse, on comprend mal qu’il émane du pied de Juda, obscur ancêtre du Christ,
non mentionné dans l’Ancien Testament, et non pas d’un précurseur qu’évangélistes ou Pères de l’Eglise ont comparé avec le Christ. Parmi eux, Salomon, personnifiant justice et sagesse, souvent représenté dans notre Cathédrale, eut été un choix bien plus judicieux. De surcroit, il eut été plus logique, du fait de la proximité de l’équinoxe de printemps avec la semaine sainte, d’éclairer le Christ a l‘heure de sa mort, c’est-à-dire aux environs de quinze heures.
En conclusion, admettons une fois pour toute qu’il s’agit d’un pur hasard, et cessons de philosopher sur ce phénomène.



"Théologiens et historiens de l'art sont unanimes".

Quand et sous quelle forme se sont-ils exprimés ? Où peut-on prendre connaissance de cet "avis unanime"?
C'est vraisemblablement une supposition transformée en certitude. En tout cas, tant que cet avis unanime n'est pas publié il ne peut servir de caution aux allégations de l'auteur. Ce n'est pas pour rien que cette affirmation est balancée d'entrée. C'est pour laisser entendre que l'auteur est leur porte-parole mandaté et laisser supposer que sa crédibilité est incontestable.

"d’autres vitraux produisent également des rayons colorés" 

Évidemment que de multiples taches lumineuses se manifestent dans la cathédrale tout au long de la journée. Et elles changent évidemment de place tout au long de l'année et même au courant de la journée.

Tout l'art consiste justement à faire le tri dans ce fatras pour identifier celles qui ont du sens et les isoler de celles qui ne signifient rien de particulier. Reconnaissons que la tâche n'est pas simple et pas à la portée de tout le monde. Mais avec de la détermination, avec de la méthode surtout, et peut-être pourquoi pas, un zeste de chance, on peut y arriver. Je le confirme en le prouvant avec le rayon vert, puis quelques années plus tard avec le rayon blanc. Le profane est devant cette multitude de taches lumineuses comme s'il se trouvait en présence d'un texte rédigé dans une langue qu'il ignore. Il n'y comprend rien sauf à apprendre la langue du texte. Alors seulement il pourra découvrir le sens des mots et comprendre l'histoire qu'ils racontent.

"n’avait pas la transparence d’aujourd’hui et de ce fait n’illuminait pas la chaire."

Qu'est-ce que l'auteur en sait ? J'ai moi-même vu les photos noir et blanc fournies par les Monuments Historiques et que m'a montrées Louis Tschaen. Elles ne permettent aucunement de juger de la transparence du verre. En effet, les photos prises des vitraux reconstitués à même le sol donnent le détail du dessin mais n'indiquent rien de la transparence des pièces puisqu'il n'y a pas d'éclairage arrière, uniquement une lumière avant réfléchie.
D'ailleurs, le vitrail de Jacob voisin et père de Juda a deux chaussons rouges, dont l'un produit actuellement encore un spot coloré qui balaye la chaire quelques minutes avant le spot vert.

Les deux spots, vert à gauche, rouge à droite, symétriques par rapport au Christ 
(Photo M. Rosart)

Et le pied de Jacob est bien constitué de son verre d'origine. Ce qui prouve qu'un verre ancien peut très bien créer le phénomène que nous observons à chaque équinoxe. Il s'agit juste d'une question d'intensité, je le reconnais. Le pied gauche de Juda est manifestement plus clair que son pied droit. Et si on ajoute à cela que le dessin du bord supérieur du chausson a disparu sur ce pied gauche, alors il faut admettre que le phénomène a été accentué mais non créé lors d'une réparation. Je suis allé voir sur place la pièce en question. Elle a manifestement été mise en place de l'extérieur. Le plomb des joints a été rabattu sur la pièce rapportée.

"des traces de peinture modelant le cou de pied"


Simone Schultz reprend l'argument maintenant classique des "traces de peinture modelant le cou-de-pied qui ont disparu". Elle ne cite pas ses sources car elle devrait dire que c'est une observation de Rosart faite à Louis Tschaen qui la publia dans le Bulletin de la Cathédrale de Strasbourg.

Pas le moindre recul non plus par rapport à cette observation pertinente. Elle répète ce qu'elle a lu quelque part, alors que l'expression elle-même est impropre. En effet la peinture ancienne visible sur les photos noir et blanc des M.H. que Louis Tschaen me présentait, dessinait, non pas le "cou-de-pied", mais le bord supérieur du chausson. L'expression impropre que j'avais d'abord employée est ici reprise telle quelle. C'est du psittacisme pur et simple. 

"miracle du rayon vert"

Quel miracle ? Il n'y a pas de miracle dans le rayon vert. Tout s'explique rationnellement. Seule manque actuellement la preuve formelle de l'intention des créateurs du vitrail de Juda. Il n'y a qu'un faisceau d'indices tous concordants : le bras gauche, le regard, l'index droit de Juda, la position le jour des équinoxes du spot vert sur "ce qui est au-dessus du Christ" c'est-à-dire le dais, la position strictement identique du spot blanc le jour du solstice d'hiver, et un autre indice, celui de Salmon aux chaussons verts. Mais ce ne sera jamais une preuve, juste une quasi-certitude.



"un ou deux jours après l’équinoxe d’automne"

C'est faux. L'auteur n'a pas compris comment fonctionne ce rayon. C'est "un ou deux jours avant" qu'il faut lire. Celui qui a compris comment ça fonctionne ne commet pas cette erreur de débutant. 
Dans ses conclusions, Simone Schultz reprend le texte de Louis Tschaen sans le citer, ce qui ne se fait pas lorsqu’on est intellectuellement honnête. Passons. Mais elle ne réalise pas que les conclusions de ce Monsieur, qui était mon professeur d’astronomie lorsque j’étais élève-ingénieur-géomètre à l’ENSAIS, s’appliquent au rayon vert sur la tête du Christ et non au rayon vert sur le dais qui surplombe la tête du Christ, comme le montre la photo qui illustre l’article.

En effet, sur le dais (la photo qui illustre l'article), le rayon y est toujours le jour de l’équinoxe avec une précision astronomique remarquable. Ce qui laisse penser que le repère de cette horloge astronomique est bien "ce qui est au-dessus du Christ" le dais et non la tête du Christ. Se hasarder à écrire doctement sur un sujet qu'on connait si peu et si mal est une folie. Sauf à considérer que ses lecteurs sont des demeurés.

Quant au phénomène lui-même, il se produit d’après Louis Tschaen, 58 minutes avant le midi solaire local. Dans son étude publiée sur : http://rosartnove.blogspot.fr/2013/03/la-lumiere-verte-equinoxiale-de-la.html  on trouve ce schéma avec la position du méridien de Strasbourg passant par le centre de la croix de la chaire et reporté sur le triforium méridional. (Ici à l’extrême droite).



 "Salomon"   "eut été un choix bien plus judicieux"

Pour que le phénomène du rayon vert se produise à midi solaire local dans l’axe de la chaire, il eut fallu que la « pièce de vitrail verte » fût située près de Salmon, dans le pilier en grès.
Dispositif impossible à réaliser, donc les auteurs de ce « clin d’œil » l’ont avancé d’une heure en le réalisant sur Juda. Mais ils ont pris la précaution de représenter Salmon lui aussi avec des chaussons verts et faisant de la main droite un signe de dénégation confirmant cette impossibilité locale. Pour le choix du pied, ils obtenaient une avance de 58' environ avec le pied gauche ou de 62' environ avec le pied droit. C'est le gauche qu'ils ont choisi. Peut-être parce que ça porte bonheur.



"En 1876 ce que Salmon ne put, Juda le fit".
Ces deux ancêtres sont complices pour produire le rayon vert. Seulement une heure les sépare.

Salmon est donc bien le personnage idoine pour une signification religieuse du phénomène conçu en 1876. L’objection de Simone au lieu de nier la signification religieuse de ce rayon, la renforce. Sa conclusion est caduque, et c’est l’inverse, c’est-à-dire la preuve d’une réelle volonté qui est assenée. « Aux innocents les mains pleines ».

"une fois pour toute qu’il s’agit d’un pur hasard"

Voilà bien une conclusion à contresens, qui n'est acceptable que si l'on admet en même temps que l'auteur ne maîtrise pas son sujet. Ce doit être le cas.

"obscur ancêtre du Christ"

Une appréciation bien injuste pour ce fils de Jacob qui a donné son nom à la Judée et au peuple juif, qui sert aussi de référence dans l'expression "Lion de Juda" s'appliquant à Jésus lui-même, rien de moins. On remarquera que le rayon vert qui relie physiquement le Christ à son ancêtre, illustre à la perfection cette métaphore. L'auteur ne semble pas la connaître.

Cette dernière bourde éclaire tout son texte, imprécis, approximatif, en partie inexact, partial, sous-documenté et comportant des erreurs grossières. Un texte médiocre propre à induire en erreur le lecteur qui ne serait pas sur ses gardes.

On dirait du Victor Beyer, mais sans les fautes d'orthographe.
Voir "Le rayon vert au fil du temps" sur : 

http://rosartnove.blogspot.fr/2013/03/ce-quen-dit-la-presse-de-1990-1994.html .




Pour avoir de tels docteurs, faut-il qu'à Strasbourg l’histoire de l’art soit bien malade.
                                     ... ... ...

Post scriptum à l'attention de ceux qui s'intéressent vraiment au "mystère" du Rayon Vert de Strasbourg et pas uniquement à ses péripéties. 
Pour savoir dans quelle direction chercher  afin de découvrir celui qui a conçu ce dispositif créant le phénomène à l'effet si spectaculaire, voir :




Vous y trouverez : Gustave Klotz, 
"le père du Rayon Vert" selon moi...

                                                                                                Maurice Rosart